OTAN : Sarko-carpette

Publié le par Takeda Tetsuya

Débat parlementaire sur le retour de la France dans le Commandement militaire intégré de l’OTAN Mardi 17 mars 2009


Intervention de Nicolas DUPONT-AIGNAN

Nous vivons mes chers collègues un moment rare, très paradoxal de notre vie parlementaire. Le Premier ministre nous explique que le retour dans le commandement militaire intégré de l’OTAN est un non évènement et pourtant il engage la responsabilité de son gouvernement afin de museler sa propre majorité.

C’est bien la preuve, et nous le savons tous ici, que ce retour constitue une décision fondamentale pour l’avenir de notre pays.

Ce retour est incongru et dangereux.

Incongru car personne ne le demandait, pas même les Etats-Unis.

Le président de la République s’y était-il engagé devant les Français pendant la campagne présidentielle ? NON

Les parlementaires de la majorité l’exigeaient-ils ? Pas davantage.

La France était-elle jusqu’à présent empêchée d’agir sur les différents théâtres d’opérations ? NON, les faits le prouvent.

Le Président OBAMA a-t-il donné des assurances sur la mise en œuvre de la codécision dont a rêvé à voix haute le Président de la République dans son discours de l’école militaire ? NON.

Et ce ne sont pas les deux commandements secondaires de Norfolk et Lisbonne qui changeront la nature de l’organisation militaire. Cela, pardonnez-moi mes chers Collègues de le dire sans aucun fard, cela s’appelle des hochets.

On nous dit que nous aurons plus de poids à l’intérieur pour réformer l’Alliance, mais pourquoi signer un chèque en blanc, pourquoi ne pas obtenir d’abord une réforme et ensuite décider en pleine connaissance de cause ?

Evidemment, c’est là le véritable enjeu : le Général de Gaulle avait déclaré en 1966 « la volonté qu’a la France de disposer d’elle-même est incompatible avec une organisation de défense où elle se trouve subordonnée ».

Il avait raison : nous ne serons ainsi dans ce commandement intégré qu’un subordonné de plus. Or, en quoi l’addition d’un subordonné de plus, parmi d’autres subordonnés, fera-t-elle progresser l’Europe de la défense ?

Tout au contraire, cette décision de la France tue l’idée même d’une Europe indépendante puisque le seul pays, le nôtre, qui pouvait être le levain de la pâte, s’enferme dans un rôle de sous-traitant et de supplétif de l’OTAN.

Preuve en est : avant même que cette décision soit formellement prise, le gouvernement a annoncé que les renforts français qui seront envoyés en août prochain en Afghanistan, seront directement placés sous commandement américain. Où est donc l’indépendance renforcée de la France qu’a invoquée Nicolas Sarkozy ?

Dans ces conditions, comment accepter de voir notre pays sans aucune contrepartie se priver d’une telle carte, c’est-à-dire renoncer à sa singularité, l’un de ses atouts majeurs dans le monde avec son siège à l’ONU ?

En définitive en abandonnant « notre différence » pour des chimères, en lâchant la proie pour l’ombre, vous allez donner votre accord à un véritable marché de dupes.

Mais « cette fameuse différence », cette certaine idée de la France, que tous les présidents de la République successifs ont su, à leur façon, incarner, Nicolas Sarkozy y tient-il vraiment ?

L’évolution de notre politique étrangère, la jachère aggravée de la francophonie, l’engagement dans le bourbier afghan, ce retour précipité dans l’OTAN, permettent d’en douter.

D’ailleurs le Président ne s’en cache pas. Il ne cesse d’affirmer « son appartenance au camp occidental ». Mais la France pourrait parfaitement être solidaire des Etats-Unis sans épouser obligatoirement en toute circonstance leur lecture du monde.

Ce retour dans le commandement militaire intégré est, à cet égard, un contresens historique majeur.

La question est simple : veut-on définitivement faire de l’OTAN le bras armé de l’Occident ou, au contraire, imaginer une nouvelle organisation de défense, partenaire des Etats-Unis mais non plus placée sous leur hégémonie, qui parle au monde avec sa voix propre ?

Au moment où la vision d’un monde multipolaire imaginé par le Général de Gaulle en pleine Guerre froide se fait jour devant nous, la France met un peu plus le doigt dans l’engrenage de guerres qui ne sont pas les siennes, la France abime son image.

La France renonce à sa part de liberté. Oui, la France renonce à être le trait d’union entre l’Est et l’Ouest, entre le Nord et le Sud.

Quel gâchis !

Car, comme le disait encore le Général de Gaulle : « la politique la plus coûteuse, la plus ruineuse, c’est d’être petit ».

Mais la faute n’est pas seulement stratégique, elle est aussi politique. Car cette rupture va fragiliser un peu plus notre cohésion nationale. C’est bien parce que la France menait une politique indépendante des Etats-Unis qu’un exceptionnel consensus s’était, au fil du temps, forgé dans notre pays autour de nos armées, en faveur de l’effort de défense.

Or, sans effort de défense, il n’y a pas de pays libre, maître de son destin.

Mes chers Collègues, vous ne servez pas le gouvernement que vous soutenez en le laissant commettre une telle erreur.

Voilà pourquoi, Monsieur le premier Ministre, mettant en jeu la responsabilité du gouvernement sur la politique étrangère et de défense, vous m’obligez à vous retirer, à regret, ma confiance.

Nicolas DUPONT-AIGNAN Député de l’Essonne Président de Debout la République

Publié dans Actualité française

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article