EMBUSCADE : commentaires de haut gradé

Publié le par Takeda Tetsuya

Embuscade: "indiscutablement un échec", selon la note d'un général de haut rang
Dans un document interne, un général de haut rang de l'armée de terre livre ces "quelques réflexions sur l’embuscade afghane" afin "que ces soldats ne soient pas les premiers d’une longue série de « morts pour rien» 

"Sans disposer d’aucune information privilégiée, on peut tirer de cette douloureuse affaire quelques constats certains, qui conduisent à deux propositions susceptibles de donner de la hauteur et de la pertinence au débat parlementaire annoncé pour le 22 septembre 2008", écrit-il.

"En préalable, vouloir dissimuler l’échec et la défaite par lesquels se solde cette opération n’est pas sérieux, et pourrait être criminel : en voulant ainsi s’exonérer de leurs responsabilités, le pouvoir politique et le commandement ne trompent pas les militaires, mais peuvent abuser les décideurs (dont le Parlement), qui feront l’économie de vraies décisions. Les militaires sauront alors qu’ils ne sont pas défendus, et devront continuer d’aller au casse-pipe sans moyens adaptés à leurs missions. Cette situation ne sera pas durable, car la discussion et la contestation dans notre société de l’information à tout va ne peuvent être bridées. Le débat s’instaurera sur le blog de Libération, au prix d’un affaiblissement sérieux de la discipline et de la cohésion de nos armées . Or, indiscutablement, il y a échec : une dizaine de morts et une vingtaine de blessés infligés à une troupe inférieure à 150 hommes, qui a dû de n’être pas exterminée qu’à l’intervention massive d’appuis et de renforts extérieurs à la manœuvre initiale, sans commune mesure avec les 100 à 150 talibans qui, semble t’il, leur étaient opposés. Erreur de conception (avec des moyens inadaptés à la situation) et sans doute erreur d’exécution, dans un dispositif qui ne tirait pas toutes les conséquences tactiques d’un éclairage préalable suffisant. Il ne s’agit pas ici de juger les hommes (encore qu’il le faudra, car il n’y a pas d’autorité qui dure sans responsabilité), mais de faire quelques constats plus généraux, qui peuvent fournir des indications sur les causes fondamentales de l’échec et les enseignements à tirer :

1.1 Ni homogénéité de la troupe, ni unicité du commandement : Le détachement était constitué de 4 sections de combat ( 8 ième RPIMA, RMT, 2 sections afghanes) et d’un groupe des forces spéciales US. On sait au moins que la section du 8 n’était pas organique, puisque son auxiliaire sanitaire venait du 2ième REP. Ces soldats n’avaient pas l’habitude de travailler ensemble, sans parler de la cohésion et de l’esprit de corps qui fondent l’efficacité au combat. Et ce qui frappe dans la description officielle de l’affrontement délivrée officiellement par le sous-chef OPS de l’EMA, c’est qu’à aucun moment n’est mentionnée l’action du commandant de ce détachement : chacun semble livré à lui-même. Y avait-il un chef, autre que formel et théorique, avec une autorité réelle sur ses éléments ? 1.2 Inadaptation et insuffisance des moyens réellement disponibles : Sans même rentrer dans le débat des moyens de reconnaissance aériens (drônes à l’efficacité sans doute contestables, mais surtout hélicoptères adaptés), on est frappé par la pauvreté des moyens d’appui permettant de dégager la section fixée : les seules mitrailleuses des VAB, manifestement en limite de portée. Notons que seul l’élément des forces spéciales US disposait des instruments de désignation laser des objectifs. Or ils étaient loin derrière, avec les sections afghanes : n’est ce pas ce qui explique d’abord l’usage tardif des A10 ? Quant aux appuis, que penser d’une part de l’incapacité à déclencher en temps utile des appuis aériens, et du recours final, pour une bonne part, aux seuls hélicoptères français Caracal ? L’EMA, en soulignant l’engagement et la générosité exceptionnelle des équipages d’hélicoptères français, qui ont travaillé toute la nuit met involontairement en lumière une propension moins évidente de nos alliés à prendre des risques pour voler au secours de nos soldats. Mais qui veut mourir pour le roi de Prusse ? Au total, il apparaît bien que nos moyens nationaux n’étaient pas à la hauteur, et que compter sur ceux de la coalition dans des circonstances extrêmes, celles du combat, ne va pas de soi. 1.3 : Une troupe non-aguerrrie : Constituée à partir d’engagés recrutés en juin 2007, la section du 8 était certes entraînée, mais depuis moins d’un mois en Afghanistan, c’était sa première expérience d’unité constituée en situation opérationnelle. Personne ne soutiendra qu’il n’aurait pas été préférable d’envoyer sur notre théâtre d’opérations le plus dangereux une unité plus aguerrie. Mais une armée de terre qui fait le pompier de la paix aux 4 coins du monde sans préjudice des « promenades » dans les gares métropolitaines ne peut donner que ce qu’elle a, quand le pouvoir politique décide sans préavis suffisant d’augmenter partout l’engagement de nos forces (faisons le bilan de ces nouvelles missions, pour le moment sans désengagement significatif ailleurs, depuis mai 2007 : Tchad, Afghanistan, Emirats, OTAN…). En résumé, l’armée peut-elle continuer sans augmentation de ses effectifs à aller au four et au moulin ?"


Texte recueilli par Jean-Dominique MERCHET (Secret défense)

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Publié dans Parachutistes

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